C'est à cause de lui. Il disait : « Je prends un fait que je surprends dans la vie et j’écris dessus. »
Le jour de la rentrée, je vois deux couples de femmes professeures marcher l’un derrière l’autre….
« Elles marchent coude à coude et parlent bas. On n’entend pas ce qu’elles se disent mais on sent la charge de leurs regards sur les omoplates blancs et dénudés des femmes de devant. Elles tiennent leurs chiens à leurs pieds, elles conversent en aparté.
L’une dit :
- Elles sont deux.
L’autre :
- Elles ne se vengeront pas.
Les femmes de devant repèrent la présence des femmes de derrière. Elles ont peur, elles sentent le halètement des chiens, (elles ne peuvent plus s’illusionner - à cinquante ans, elles ne savent plus courir. En revanche, elles pensent qu’en brandissant, (comme d’habitude), les mathématiques ou la littérature (c’est pareil), avec audace et bravoure, qu’elles sauront se prémunir des vils assauts, rances et fétides, des chiens tenus par les professeures de derrière). Elles récitent les strophes incantatoires, elles répètent en boucle les questions (épuisées) des élèves, clament les quatrièmes de couverture, ânonnent un « que sais-je » à l’envers.
Mais les femmes de derrière approchent. Elles raccourcissent en conséquence la laisse des chiens qui jappent et tirent. (Les professeures de derrière imagine qu’ainsi, elles laissent une chance aux lycéens de s’engouffrer dans un X, (un inconnu mathématique ou pornographique, ou une allitération - imprévue - source de vie - on le sait.) - ce qui est illusoire, bien sur.)
Maintenant, les professeures de devant sentent le souffle des chiens sur leurs mollets. La sueur perle de leur dos jusqu’ à leurs fesses et coulent de leurs aisselles en faisant des taches sous les bras. Les femmes de derrière, l’instinct entraîné à identifier la crainte chez les élèves, pressent les chiens. Les professeures de devant serrent les fesses, (on le voit à leur lune sous leur jupe grise). (gris pour rappeler à tous les professeurs qui risqueraient d’oublier qu’il ne s’agit pas de donner aux lycéens un corps à regarder mais une voix à écouter.)
Mais les professeures de derrière (ambigües et candides), ont oublié (à l’instar des professeures de devant qui auraient pu leur rappeler) que les lycéens sont des apostats, (dés le plus jeune âge, ils apprennent très vite que le corps enseignant est toujours - une - et – offensive - organisation qu’il faut combattre). Ils doublent les préceptrices, ils doublent les professeures et attirent les chiens en leur tendant la viande et les os dont les chiens rêvent encore, (oui, eux aussi vivent avec les professeures, ils connaissent l’ajournement du plaisir.)
Les lycéens affament les chiens, les attachent court sur leur laisse, les privent de sortie, (eux aussi sont violents). Le troisième jour, ils lâchent les molosses sur le dos du corps enseignant et les chiens se jettent et bâfrent.