mercredi 26 novembre 2008

extrait

Je remonte l’autoroute du littoral et je dépasse les hommes en bleu, (ceux des déserts de sables et de rocailles). Je les vois marcher le long de la bande d’urgence, pieds nus dans leurs chaussures béantes, le col de la chemise ouvert sur leur poitrine, la barbe jusque dans le cou. Je double la longue longue marche des migrants vers l’eldorado anglais.

(Emmener Celso dans le désert pour raviver le bleu des robes des Touaregs et le cobalt du ciel. Emmener Celso voir le khôl des yeux des femmes et puiser l’eau jade des oasis)

Calais. Je traîne sur les quais, les docks, les bassins, les resserres, les entrepôts - j’hume (l’huile, le gasoil, le suif des diesels, des camions, des cargos-des ferrys). Ça me rappelle "le Journal du voleur", je prends des photos, je rentre.

Sur l’autoroute, à mi-course, je croise les mêmes hommes, (ceux des déserts de sable et de rocailles) - cette fois, je les vois de face remonter la route, des milliers de pas plus loin, des heures après, les uns derrière les autres, les pieds nus dans les mêmes chaussures, le col de la chemise ouvert sur leur poitrine exténuée, la barbe hirsute dans le col qu’ils ont relevé, déterminés à marcher encore.

(Emmener Celso dans le désert pour me rappeler la beauté de l’orient !)



[1] Genet.

dimanche 23 novembre 2008

Il faut toujours citer ses sources

C'est à cause de lui. Il disait : « Je prends un fait que je surprends dans la vie et j’écris dessus. »

Le jour de la rentrée, je vois deux couples de femmes professeures marcher l’un derrière l’autre….

« Elles marchent coude à coude et parlent bas. On n’entend pas ce qu’elles se disent mais on sent la charge de leurs regards sur les omoplates blancs et dénudés des femmes de devant. Elles tiennent leurs chiens à leurs pieds, elles conversent en aparté.
L’une dit :
-
Elles sont deux.
L’autre :
-
Elles ne se vengeront pas.

Les femmes de devant repèrent la présence des femmes de derrière. Elles ont peur, elles sentent le halètement des chiens, (elles ne peuvent plus s’illusionner - à cinquante ans, elles ne savent plus courir. En revanche, elles pensent qu’en brandissant, (comme d’habitude), les mathématiques ou la littérature (c’est pareil), avec audace et bravoure, qu’elles sauront se prémunir des vils assauts, rances et fétides, des chiens tenus par les professeures de derrière). Elles récitent les strophes incantatoires, elles répètent en boucle les questions (épuisées) des élèves, clament les quatrièmes de couverture, ânonnent un « que sais-je » à l’envers.

Mais les femmes de derrière approchent. Elles raccourcissent en conséquence la laisse des chiens qui jappent et tirent. (Les professeures de derrière imagine qu’ainsi, elles laissent une chance aux lycéens de s’engouffrer dans un X, (un inconnu mathématique ou pornographique, ou une allitération - imprévue - source de vie - on le sait.) - ce qui est illusoire, bien sur.)

Maintenant, les professeures de devant sentent le souffle des chiens sur leurs mollets. La sueur perle de leur dos jusqu’ à leurs fesses et coulent de leurs aisselles en faisant des taches sous les bras. Les femmes de derrière, l’instinct entraîné à identifier la crainte chez les élèves, pressent les chiens. Les professeures de devant serrent les fesses, (on le voit à leur lune sous leur jupe grise). (gris pour rappeler à tous les professeurs qui risqueraient d’oublier qu’il ne s’agit pas de donner aux lycéens un corps à regarder mais une voix à écouter.)

Mais les professeures de derrière (ambigües et candides), ont oublié (à l’instar des professeures de devant qui auraient pu leur rappeler) que les lycéens sont des apostats, (dés le plus jeune âge, ils apprennent très vite que le corps enseignant est toujours - une - et – offensive - organisation qu’il faut combattre). Ils doublent les préceptrices, ils doublent les professeures et attirent les chiens en leur tendant la viande et les os dont les chiens rêvent encore, (oui, eux aussi vivent avec les professeures, ils connaissent l’ajournement du plaisir.)

Les lycéens affament les chiens, les attachent court sur leur laisse, les privent de sortie, (eux aussi sont violents). Le troisième jour, ils lâchent les molosses sur le dos du corps enseignant et les chiens se jettent et bâfrent.

mercredi 19 novembre 2008

Les photographies de MG

Je regardais ses photos et je les aimais. (Elles ressemblaient à quelques unes que j’aurais aimé tirer, ou à quelques unes que j’aurais (également) peintes, (il les voile d’un rideau de gouache, parfois plus appuyé, parfois plus serré), ou à quelques autres parce qu’une aura leur échappe, (vous savez « l’aura » dont parle Benjamin : l’impalpable, l’immatériel qui flotte et saisit l’invisible, l’imperceptible d’une représentation).
Comme je les aimais, je les ai copiées, comme je les ai copiées, j’ai voulu lui dire et je lui ai envoyé mes textes.

Photo 23
Corps de rêve dans une enceinte de fenêtre close, appuyé nu.
Corps comme un rêve ancré sur l’horizon, dévoilé et dévêtu,
Mais à 16 ans, il ne sait pas encore qu’il flotte dans un délavé de jaune.

Photo 822
Homme geisha, pétale incertain.
Corps albâtre, baigné immobile flotté rouge et parme.
Regard dérobé, bras abandonné, parfum déposé

Rêve, (le 7ième)
Ballade sur ses seins, sur l’entre deux du plat de son torse, la verticale de son buste, l’angle de son épaule. Ritournelle égérie, regard coupé, désenchanté. Gauche et ombrageux, gouffre de doux. Seule sa bouche dessinée close, le relie aux couleurs gouaches jaune et vert.

Paysage 845
Parce que moi, je veux écrire sur les mausolées irrigués d’eau, de fleuve sexe, d’essence d’homme à engendrer.

Photo 01
Il ferme les yeux, les coudes appuyés sur le cippe, stèle sans nom et sans substantif. Nu comme on prie ou comme on pense, lieu de silence - lieu clos de rêves et de chimères - il ferme les yeux, il s’esquive. C’est sa force.


Vous avez vu les lumières ?
Les jeux que ça fait avec la mise en scène ?

mercredi 12 novembre 2008

Pour Philippe : "Les limaces de Mont"

Je dis : elles sont rousses et grasses, grasses et repues. Quand je marche, j’ai peur de les écraser ; Elles sont répugnantes.
Lui : J’en ai vu deux ce matin, elles étaient lovées autour de leurs petits.

Je pense : non, la laideur de ses animaux rampants ne peut donner la beauté d’un accouplement ou la beauté d’un enfantement.
Je dis :
- Peut être n’était-ce que de la mousse ? De la bave ou de la gelée d’œufs ?
J’ajoute :
- Elles ne font pas de petits.
Je sous-entends :
« Elles sont trop laides. »
Lui : J’ai vu un enroulement autour d’un petit blanc moussu.

Je pars. Sur le chemin en montant, les limaces traversent la route, l’arpentent, grasses et grosses, opulentes, extravagantes, encorbeillées de gras, ventrues d’herbe grasse, gonflées de salive. Elles sortent, elles rampent ensemble, deux à deux, et parfois l’une sur l’autre, ou à la queue. Je les enjambe et je les évite - leurs ventres et leurs bedaines.

Quelques voitures passent, elles roulent sur le bitume et les limaces. Les limaces gisent écrasées sur le sol, les viscères éclatés et blancs, elles restent laides.

dimanche 9 novembre 2008

Living Theater

Lui : A quoi va t-il ressembler ?
Moi : (cherche t- on à se ressembler qd on écrit un blog?)
- Je ne sais pas, dis-je. Ce qui s’écrira sera subi, (brutal, emporté, admis, éprouvé)
Lui :
- Tu me fais peur. Le soudain n’a jamais faire lire quiconque…
Moi :
- ça ressemblera à du plaisir. Ou à un abime. Ou à quelque chose qui brille mais qu’on n’atteint pas, un miroir qui chatoie, (ou qui ment ou qui joue, c’est pareil). ça ressemblera à un mec qui met des lunettes de soleil ou à un autre qui prend des photos, ou bien à un troisième qui se laisse aller à écrire au de-là des mots… Je serais multiple et accidentel. J’écrirai l’imprévu pour lui même et parce que tu existes.
Lui :
- (rien)
Moi :
- ... c'est parce que le texte a fonction d'être lu que je jubile de l'écrire pour nous trois.